France-Irak-Actualité: L'Orient dans tous ses États – La Turquie ferme la parenthèse iranienne

 



Publié par Gilles Munier sur 28 Avril 2022 Samrani (revue de presse : L’Orient-Le jour – 27/4/22)*

La Turquie a connu trois phases dans sa politique régionale depuis l’arrivée au pouvoir de Recep Tayyep Erdogan. La première a été marquée essentiellement par deux objectifs : l’adhésion à l’Union Européenne (UE) et la politique du “zéro problème” avec les voisins selon l’expression de l’ancien conseiller, puis ministre des Affaires étrangères, puis Premier ministre, Ahmet Davutoglu. Cette orientation a été remise en cause par l’arrêt de son processus d’intégration à l’UE et par l’éclatement des soulèvements arabes en 2011. A partir de ce moment, la Turquie a été quelque part rattrapée par son environnement régional, en particulier par la crise syrienne qui a fait ressurgir le spectre de l’irrédentisme kurde.

La Turquie a changé de stratégie, tentant d’une part de profiter des Printemps arabes en soutenant les Frères musulmans dans plusieurs pays de la région, d’autre part en devenant une puissance interventionniste. Si ces différentes interventions, en Syrie, en Irak, ou en Libye,  étaient notamment motivées par des questions sécuritaires, elles ont été accompagnées d’une rhétorique mêlant nationalisme et néo-ottomanisme, faisant de facto de la Turquie une puissance impérialiste dans la région. C’était son moment iranien.

Cette politique a eu deux conséquences majeures : elle a créé une division au sein du monde sunnite entre la Turquie et le Qatar d’un côté, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et l’Egypte de l’autre ; elle a fait de la Turquie un partenaire compliqué pour les Occidentaux.

Ces choix stratégiques ont contribué à isoler Ankara sur la scène internationale. Mais dans le même temps, il a accumulé les succès sur le terrain, solidifiant ses positions en Syrie, en Irak, en Libye et dans le Haut-Karabakh.

La crise économique qui frappe le pays de plein fouet d’une part, la perte de popularité du reïs d’autre part, l’ont toutefois contraint à opérer un nouveau virage. Ce revirement a été accéléré par l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Ankara a sensiblement amélioré ses relations avec les Occidentaux, y compris les Européens, et s'est réconcilié avec l’axe saoudo-émirati. La visite, jeudi, de Recep Tayyip Erdogan en Arabie saoudite et sa rencontre avec le prince héritier Mohammad ben Salmane, plus de trois ans après l’assassinat de Jamal Khashoggi à Istanbul, s'inscrit dans ce cadre. Elle officialise l’ouverture de cette nouvelle phase dont l’Iran, et dans une moindre mesure, la Russie, sont les principaux perdants. Le retour de la Turquie dans le giron occidental, même si la réalité demeure plus nuancée, et surtout la fin de la fitna intra-sunnite complique les affaires de ces deux autres puissances aux ambitions impérialistes dans la région. Pendant des années, trois axes clairs se disputaient le Moyen-Orient. Ce n’est plus le cas désormais.

*Source : L’Orient-Le Jour (campagne par e-mail)

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