Propos :
« Il y a peu de temps le galeriste
Omar Salhi m’a fait part de son souhait d’organiser une exposition/hommage pour
Ahmed Al Barrak et de préparer un catalogue d’exposition qui resterait témoin
de l’évènement et du travail de l’artiste. J’ai accepté et me suis impliquée
entièrement car je ressens cet évènement comme quelque chose que je dois à mon
mari. C’est un artiste peintre qui malheureusement
n’a pas eu de son vivant la reconnaissance entière qu’il méritait dans son
pays. Mon souhait est que ses œuvres puissent être exposées dans d’autres
galeries, et d’autres villes à l’intérieur du territoire. Je continuerai de
tenir son blog vivant et sa page FB active en y publiant régulièrement ses
œuvres picturales et photographiques. Je sais que les gens parleront encore
longtemps de l’excellente personne qu’il fut. Maintenir ses œuvres présentes
par le biais des réseaux sociaux fera que même les générations futures
pourront, en y ayant accès, connaitre, apprécier et se souvenir de l’artiste
Ahmed Al Barrak. »
Hafida Aouchar,
professeur, femme d’Ahmed Al Barrak
« Face à ma toile, j’essaye
de ne pas me plier aux formes et sujets qui s’imposent à moi. Faire abstraction
d’un thème réfléchi, me laisse complètement indépendant par rapport à ma toile
et aux couleurs, ce qui me libère, me permettant de jouer avec les formes, les
vides et les pleins en créant des accidents qui aboutissent souvent à
d’heureuses surprises, par leurs résultats inattendus.
Je me laisse guider par mon
instinct, mon goût, ma culture, mon état d’âme du moment. Les couleurs posées
en appellent d’autres, je couvre, je gratte, je trace des lignes en de larges
mouvements de brosses ou de couteaux, je les laisse se répondre et appeler
d’autres lignes s’il le faut. J’ouvre,
je ferme, j’enserre et libère, faisant jaillir par moments de la profondeur, grâce aux nombreuses
superpositions de tons que j’affectionne et utilise systématiquement.
Lorsque des formes apparaissent, par jeu ou par
insatisfaction au lieu de les effacer ou de les recouvrir entièrement, je les
dissimule en partie ou les barre à coups de hachures tracées énergiquement en
des gestes larges.
…Les glacis colorés que j’appose
au final, contribuent par un jeu de transparences à donner naissance à des
effets de lumière toujours présents dans mes toiles, imprégné que je suis par
la lumière du Détroit. »
Ahmed Al Barrak
« A Tétouan et à Tanger, Al
Barrak baignait dans une ambiance conciliant tradition et modernité,
conservatisme et ouverture sur l’ailleurs. Polyglotte, maitrisant l’arabe, le français et
l’espagnol, il grandit et se forme au goût des autres, au gout de l’Autre. Comment
y échapper à Tanger, la cité muse. Sa lumière privilégiée a ébloui Eugène
Delacroix, Albert Marquet, Benjamin Constant, Joseph Tapiro, Mariano Fontury,
Kees Van Dongen et Henri Matisse.
Ses légendes fondatrices et ses lieux mythiques ont irrigué mille et un récits
d’écrivains comme Alexandre Dumas,
Joseph Kessel, Jean Genet, Paul Bowles, Jaques Kerouac, Gertrude Stein et
Tennessee Williams. Ses sons ont ensorcelé Mick Jagger et Randy Weston. »
Mohamed Ameskane, journaliste écrivain
« Malgré la diversité des styles,
la variété des sujets qu’il a traités et les différentes méthodes d’exécution
qu’il a pu employer, Al-Barrak a su préserver l’unité de sa personnalité
artistique. Cela tient à sa capacité à réutiliser une très large gamme de
symboles et de motifs pris dans l’univers visuel de son environnement, au moyen
d’une vision nouvelle. Al-Barrak est un peintre qui puise ses ressources de la
mémoire individuelle et collective. Réceptacle des formes conscientes ou
inconscientes cumulées ou incorporées d’une esthétique plongée dans la longue
durée, sa toile est un lieu où les signes de l’art ornemental arabo-musulman et
berbère demeurent le modèle primordial, la matrice initiale. Il part de
l’abstraction originelle, expression normative d’un art légal et du rapport du
peintre aux nécessités sociales, c’est-à-dire du licite et de l’illicite, pour
aboutir à une œuvre plastique réfléchie, déduite de l’essence même de l’art.
N’a-t-on pas écrit que l’art abstrait moderne est sans précédent ? »
Mohamed Métalsi, professeur chercheur écrivain
« La
peinture d’Ahmed Al Barrak subit plusieurs mutations comme le soulignent les
séries de toiles : la transposition vigoureuse du visible se transforme, révèle
une structure bleue décantée, diaphane. Sa lumineuse peinture, ne reproduit pas
les murs des médinas, ni les signes des arts traditionnels . Elle donne à
réfléchir au passé et au présent d’une culture vivante, perturbe le banal et le
transfigure. Arabesques ou autres structures décoratives sont prétextes pour
mieux altérer les codes hérités. L’artiste retient le blanc des murs comme fond
pour ses peintures : page blanche exempte de tout tracé, où mieux inscrire,
furtivement, la rigueur des orthogonales, la tension entre le structuré et
l’informe, l’ordre et le chaos. Quand se croisent les verticales et les
horizontales, se créent l’effervescence et le trouble . Les inscriptions
initiales fusionnent avec le magma informel . Leur lisibilité, s’estompe : toute la peinture gagne en
légèreté et la transparence des lavis valorise des surfaces translucides de
très haute sensibilité. »
Khalil M’Rabet, Professeur
émérite en Arts Plastiques et Sciences de l’Art
Aix-Marseille université.
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