France-Irak-Actualité Turquie / France : Tweet en turc et appel au dialogue de Macron, un nouveau départ ? Publié par Gilles Munier sur 27 Septembre 2020
Après avoir adopté une attitude belliqueuse vis-à-vis de la Turquie, la France aussi encourage aujourd’hui le dialogue avec Ankara.
Le pire a été évité de justesse en Méditerranée orientale : Si plusieurs spécialistes avançaient des hypothèses de conflit armé entre la Turquie et la Grèce, aujourd’hui les deux pays s’apprêtent à régler leurs différends à la table des négociations. Après avoir adopté une attitude belliqueuse vis-à-vis de la Turquie, la France aussi encourage aujourd’hui le dialogue avec Ankara.
Par Öznur Küçüker Sirene (revue de presse : TRT en français – 27/9/20)*
Depuis le 10 août où la Turquie a déployé pour la première fois son navire de prospection sismique accompagné d’une douzaine de navires de guerre au sud de l'île grecque de Kastellorizo en Méditerranée orientale, les relations entre la Turquie et la Grèce sont plus tendues que jamais.
La crise entre les deux pays voisins a été exacerbée par l’intervention d’autres puissances régionales et européennes dans la question méditerranéenne dont notamment la France qui a envoyé deux frégates en soutien à la marine grecque. L’alliance franco-grecque a rapidement su attirer d’autres pays tels que l’Egypte ou les Emirats arabes unis. Un accord bilatéral sur la délimitation des zones maritimes d'exploitation d'hydrocarbures signé entre la Grèce et l’Egypte en riposte à l’accord turco-libyen a ainsi créé une impasse dans les relations turco-grecques.
Alors que le monde entier s’attendait à un conflit armé – surtout que la Grèce a même commencé à renforcer son armada militaire en commandant 18 Rafale à la France-, Oruç Reis a jeté l'ancre dimanche 13 septembre 2020 au large des côtes d'Antalya en Turquie pour des travaux de maintenance. Cette manœuvre a été interprétée comme une volonté de donner sa chance à la diplomatie et au dialogue par Ankara.
Se sont alors enchaînés plusieurs développements inattendus mais encourageants comme un tweet en turc du président français Emmanuel Macron dans lequel il a exprimé son désir de « rouvrir un dialogue responsable, de bonne foi, sans naïveté » avec la Turquie suite au sommet des pays du sud de l’Union européenne (MED7) à Ajaccio.
Nouvelle page entre la Turquie et la Grèce
C’est ainsi que pour la première fois depuis 2016, la Turquie et la Grèce se sont dits« [prêts] pour commencer des pourparlers exploratoires », selon une déclaration de la présidence turque mardi 22 septembre, à l'issue d'un entretien téléphonique entre le président turc Recep Tayyip Erdoğan et la chancelière allemande Angela Merkel.Déclaration confirmée par le ministère grec des Affaires étrangères qui a annoncé la tenue prochaine des discussions à Istanbul. Erdoğan avait déjà souligné vendredi qu'il était ouvert à rencontrer le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis s'il voyait des signes de « bonnes intentions » de sa part.
Un autre développement important fut l’entretien téléphonique entre Erdoğan et Macron après une période inquiétante d’escalade verbale entre les deux leaders. Lors de l'entretien, Erdoğan a exprimé son souhait de voir « du bon sens et une attitude constructive » de la part de la France alors que Macron a appelé la Turquie à « s'engager sans ambiguïté dans la construction d'un nouvel espace de paix et de coopération en Méditerranée ».S’il est encore tôt pour confirmer un retour à la normale dans les relations franco-turques, on peut l’interpréter comme un signe d’apaisement.
Approche constructive de l’Allemagne et de l’OTAN
L'une des questions les plus brûlantes entre la Turquie et la Grèce et qui devrait être résolue en toute urgence est la militarisation illégale des îles grecques en mer Egée. L'ancien contre-amiral de la marine turque, à l'origine de la doctrine turque de « Mavi Vatan » (Patrie Bleue), a ainsi déclaré que « la Grèce militarise illégalement ces îles sous le prétexte d’une menace turque. Pourtant, l’argument de cette menace est totalement sans fondement car la Turquie jusqu’aujourd’hui n’a attaqué aucune île, ni ne les a occupées ». Selon lui, « ces îles sont militarisées non pas contre une menace turque mais pour menacer la Turquie ».
ESTIA, le plus ancien journal de Grèce encore en circulation, a écrit vendredi en première page que « Berlin pousse Athènes à démilitariser les îles ».
Tout comme l’Allemagne, l’OTAN aussi a opté pour la carte de désescalade entre les deux pays alliés depuis le début de la crise. Des responsables turcs et grecs se sont réunis le 10 septembre au siège de l’OTAN pour des pourparlers visant à empêcher une nouvelle escalade militaire en Méditerranée orientale.
Ce ton conciliant adopté par l’Allemagne et l’OTAN est en contraste avec celui de la France de Macron qui a cherché à unir tous les pays européens et les pays de la région contre la Turquie depuis le début de la crise turco-grecque.
Si les Etats-Unis ont plus été un observateur de la crise méditerranéenne plutôt qu’en être un acteur actif, de manière étonnante, dans une rencontre avec des journalistes mardi, l’ambassadeur des Etats-Unis à Ankara, David Satterfield, a également affirmé qu’« aucune carte ni déclaration unilatérale impactant les droits d’une partie tierce n’est valable dans le cadre d’un règlement d’une dispute maritime ».
Erdoğan exige un partage équitable des ressources naturelles en Méditerranée orientale
Dans son discours du 22 septembre devant l’Assemblée générale annuelle de l’ONU, Erdoğan a rappelé que « notre priorité est de résoudre les conflits par un dialogue sincère, fondé sur le droit international et une base équitable », tout en précisant néanmoins que «la Turquie ne tolérera aucun diktat, harcèlement ni attaque ».
Dénonçant les revendications maximalistes de la Grèce et de l’administration chypriote grecque à l’origine de la crise méditerranéenne, le président turc a ainsi proposé l’organisation d’une conférence régionale, à laquelle participeront les acteurs de la région, y compris les Chypriotes-turcs, et qui prendra en compte les droits des pays de la région.
En conclusion, si on peut effectivement évoquer une nouvelle page dans la question méditerranéenne, il est encore trop tôt pour savoir si les intérêts et préoccupations de la Turquie seront réellement pris en compte à la table des négociations. Un sommet européen qui devait se tenir les 24-25 septembre a été reporté au début du mois d'octobre.
Nous espérons que dès le mois d’octobre, tous les pays trouveront un compromis bénéfique pour l’ensemble des parties et que la France de Macron abandonnera le langage de menaces, sanctions et diktat envers la Turquie qui a, elle aussi, son mot à dire dans toutes les questions régionales.
*Source : TRT en français
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