France-Irak-Actualité Un ingénieur palestinien abattu à Kuala Lumpur: une autre face de la «machine à assassiner» israélienne… Publié par Gilles Munier sur 30 Avril 2018



Fadi Mohammad el-Batch
Par L.D (revue de presse (Plate-forme Charleroi-Palestine – 29/4/18)*
La police malaisienne a diffusé le 23 avril les portraits-robots des deux hommes soupçonnés d’avoir assassiné à Kuala Lumpur Fadi Mohammad el-Batch, un scientifique palestinien membre duHamas, et qu’elle recherche activement.
El-Batch, 35 ans, qui était ingénieur-électricien, a été tué par balles samedi 21 avril devant une mosquée, par deux hommes armés circulant à moto et probablement liés à des services de renseignement étrangers, selon le ministre malaisien de l’Intérieur, Ahmad Zahid Hamid. «Il était probablement devenu un élément gênant pour un pays hostile à la Palestine», a-t-il ajouté, précisant que l’ingénieur palestinien devait se rendre le 21 avril en Turquie pour participer à une conférence internationale.


Portraits robots des supposés assassins de l’ingénieur palestinien.
La famille de la victime, qui vivait depuis une dizaine d’années en Malaisie, a imputé le crime au Mossad, le service secret israélien qui se charge le plus souvent des assassinats “ciblés” à l’étranger. Une affirmation que le Hamas n’a pas reprise à son compte et qu’a évidemment démentie le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, qui a tenté de s’opposer au transfert de la dépouille mortelle de la victime à Gaza.  Le corps a cependant transité via l’Égypte vers Gaza, où il a été inhumé.
Un grand nombre de Palestiniens, en particulier des étudiants, se sont établis en Malaisie ces dernières années, et selon “The Times of Israel” «dans tout Kuala Lumpur et ailleurs (y compris l’Université islamique internationale de Gombak), il y a des activités du Hamas et des visites de dirigeants du Hamas. Le fils d’Oussama Hamdan, qui est responsable des relations étrangères du Hamas, vit en Malaisie».
Selon le New York Times, cité par “Infos-Israël-News”, l’assassinat deEl-Batch faisait partie d’un plan plus vaste du Mossad visant à empêcher le Hamas de mener à bien son plan consistant à envoyer à l’étranger des ingénieurs afin d’acquérir des connaissances techniques et des armes. El-Batch aurait été chargé de mener des négociations avec la Corée du Nord pour l’approvisionnement en armes de la résistance contre Israël à Gaza, et cela aurait été la véritable raison du voyage qu’il devait faire en Turquie.
«Israël n’a rien fait, mais il l’avait bien cherché…»
Si officiellement Israël dément avoir fait assassiner El-Batch par ses agents, les sites de propagande pro-israéliens ont simultanément déclenché une vague de propagande pour expliquer à quel point cet assassinat aurait été pleinement justifié. Le plaidoyer consiste en quelque sorte à dire «on n’a rien fait, mais il l’avait bien cherché».
Les services secrets israéliens se composent principalement de trois organismes distincts : le Shin Bet, chargé de la “sécurité intérieure” (y compris évidemment dans les territoires palestiniens sous occupation militaire), le Aman, qui est le service de renseignements et d’action clandestine de l’armée, et le Mossad, compétent pour le renseignement et l’action clandestine hors du territoire israélien. Le Mossad a réalisé de très nombreux assassinats dits “ciblés” un peu partout dans le monde, dans certains cas avec la coopération active de l’armée.
Parmi les “exploits” similaires les plus connus du Mossad contre des personnalités appartenant au Hamas il y a bien entendu l’assassinat en 2010 dans sa chambre d’hôtel à Dubaï de Mahmoud Al-Mabhouh, ou encore l’enlèvement enlevé en Ukraine, en février 2011, d’un ingénieur palestinien originaire de la bande de Gaza, Dirar Abou Sisi, 42 ans, qui était un des responsables de la seule centrale électrique encore en état de fonctionnement dans la Bande de Gaza (les autres ayant été bombardées par Israël).
Dans son livre “The Secret History of Israel’s targeted assassinations”1Ronen Bergman – qui est un journaliste israélien ayant longuement travaillé pour un quotidien conservateur à grand tirage, et en aucun cas un militant antisioniste – affirme :
«Jusqu’au début de la seconde intifada, en septembre 2000, quand Israël a commencé à riposter aux attentats-suicides en utilisant couramment des drones armés pour procéder à des assassinats, l’État a réalisé environ 500 opération d’exécutions ciblées. Celles-ci ont entraîné la mort d’au moins 1.000 personnes, à la fois des civils et des combattants. Durant la seconde intifada, Israël a mené environ 1.000 opérations supplémentaires, dont 168 ont été couronnées de succès. Depuis lors, et jusqu’au moment de la rédaction de ce livre, Israël a réalisé environ 800 opérations d’exécutions ciblées, dont la quasi-totalité se situaient soit dans le cadre des opérations de guerre contre le Hamas dans la Bande de Gaza en 2008, 2012 et 2014, soit dans le cadre des opérations du Mossad dans l’ensemble du Moyen-Orient contre des Palestiniens, des Syriens et des Iraniens».
Bergman, qui précise que pour mener certaines opérations d’assassinats “ciblés” complexes Israël a mobilisé jusqu’à plusieurs centaines d’agents, ajoute :
«Par comparaison, on estime qu’au cours de la présidence de George W. Bush, les États-Unis d’Amérique ont commis 48 opérations d’assassinats ciblés, et durant la présidence de Barack Obama on a dénombre 353 attaques de cette nature».
Et l’auteur de préciser encore :
«La dépendance d’Israël vis-à-vis des assassinats en tant qu’outil militaire n’est pas le fruit du hasard, mais trouve plutôt ses origines dans les racines révolutionnaires et activistes du mouvement sioniste, dans le traumatisme de l’Holocauste et dans le sentiment répandu parmi les leaders et les citoyens israéliens que le pays et sa population sont perpétuellement en danger d’anéantissement et, comme lors de l’Holocauste, personne ne viendra à leur aide lorsque cela se produira.[…]  À leur tour, ils ont développé la machine à assassiner la plus robuste et la plus rationalisée de l’histoire 2».
Traduction : le sionisme, idéologie d’État en Israël, est profondément enraciné par son histoire dans le terrorisme (d’où l’euphémisme des “racines révolutionnaires et activistes”), ainsi que beaucoup d’historiens l’ont établi et comme l’explique en détail Thomas Suárez dans son ouvage «State of Terror» 3.
Mais Bergman, pour sa part, ne parle dans son enquête fouillée de “terroristes” que quand ils sont palestiniens… Il décrit le terrorisme d’État d’Israël, mais ne le nomme jamais pour tel. Pourtant, il donne des précisions qui ressemblent diablement à des aveux :
«Deux systèmes juridiques distincts ont vu le jour en Israël: un pour les citoyens ordinaires et un pour la communauté du renseignement et l’establishment de la défense. Ce dernier système a permis, avec un hochement de tête et un clin d’œil du gouvernement, des assassinat hautement problématiques, sans examen parlementaire ou public, entraînant la perte de nombreuses vies innocentes.»
Il explique aussi qu’à certaines périodes “la machine à assassiner” a échappé à tout contrôle des responsables politiques supposés approuver préalablement chaque opération, et a fonctionné à un rythme effréné.
Il décrit certaines des techniques, parfois très sophistiquées, utilisées par les services secrets israéliens pour dissimuler leurs traces, surtout quand ils mènent ce genre d’opérations sanglantes dans des pays supposés “amis” (ou surtout avec lesquels Israël ne veut pas se fâcher car il y aurait trop à y perdre, politiquement et économiquement) en Europe, où ils veillent en général à éviter de faire des victimes “collatérales”. Tandis que quand l’opération a lieu dans un pays arabe ou un pays considéré comme hostile envers Israël, l’éventualité de causer des victimes innocentes n’a aucune importance, quel que soit leur nombre.
Tout ce qui compte, dans ce cas, c’est de permettre aux agents du Mossad de fuir sains et saufs, du moins quand ils sont juifs. Car il est aussi arrivé que le Mossad ait recours à la “main d’œuvre” de tueurs étrangers et il s’est avéré que dans ce cas la préservation de leur vie et de leur liberté importait beau­coup moins aux yeux des responsables israéliens.
Notes:
1. Random House – 784 pages – 21 USD – ISBN format papier : 978-1400069712 – ISBN format électronique 978-0679604686
2. Nous soulignons – NDLR
3. Skyscrapper Publications – 2016 – ISBN 978-1-911072-03-4 – actuellement en cours de traduction en français
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