France-IrakActualité Irak : Calvaire des femmes et enfants soupçonnés d’avoir des liens avec l’Etat islamique Publié par Gilles Munier sur 17 Avril 2018


Communiqué d’Amnesty International (14/4/18)*
Notre nouveau rapport sur l'Irak dresse un panorama alarmant sur l'état des droits humains. Les femmes et les enfants irakiens soupçonnés d'avoir des liens avec le groupe armé État islamique (EI) sont privés d'aide humanitaire et ne peuvent pas retourner chez eux. Un grand nombre de femmes sont également soumises à des violences sexuelles.
Notre nouveau rapport, intitulé The Condemmed : Women and Children Isolated, Trapped and Exploited in Irak révèle que des femmes et des enfants vivant dans des camps de personnes déplacées (dans les gouvernorats de Ninewa et de Salah al Din) sont soumis à une discrimination généralisée.
Les forces de sécurité, les membres de l’administration du camp et les autorités locales les sanctionnent uniquement car ils sont soupçonnés d’appartenir à l’État islamique.
UN CHÂTIMENT COLLECTIF HUMILIANT
La guerre menée contre l’EI en Irak est peut-être finie, mais les souffrances des Irakiens sont bien loin de prendre fin. Des femmes et des enfants, soupçonnés d'avoir des liens avec l’EI, sont sanctionnés pour des crimes qu'ils n'ont pas commis.
Enfermés dans des camps, ostracisés, privés de nourriture, d’eau et d’autres produits essentiels. Ces châtiments collectifs inhumains risquent d’être le terreau pour de futures violences.
Plusieurs milliers de familles, avec une femme à leur tête, doivent se débrouiller seules dans des camps de personnes déplacées. En effet, les hommes de la famille ont été tués, soumis à une arrestation arbitraire ou à une disparition forcéealors qu'ils fuyaient des secteurs contrôlés par EI à Mossoul ou dans ses environs.
Dans de nombreux cas, le seul « crime » commis par ces hommes a été de s'échapper d'un bastion de l’EI, d'avoir un nom identique à un de ceux figurant sur une « liste des personnes recherchées » ou d'avoir travaillé comme non-combattant pour l’EI en tant que cuisinier ou chauffeur.
ISOLÉES ET EXPLOITÉES SEXUELLEMENT
Il est généralement impossible pour ces familles d'obtenir des cartes d'identité ou d'autres documents nécessaires pour trouver un travail et pour se déplacer librement.
Dans au moins un de ces camps, les autorités ont interdit à des familles, soupçonnées d'avoir des liens avec l’EI, de le quitter. Force est de constater, qu’il est devenu un centre de détention.
Isolées et dans le besoin, les femmes risquent fortement d'être exploitées sexuellement par les forces de sécurité, des gardiens armés et des membres de milices travaillant dans les camps ou à proximité.
Dans chacun des huit camps que nos chercheurs ont visités, des femmes sont contraintes ou poussées à avoir des relations sexuelles en échange d'argent, d'aide humanitaire ou d'une protection fournie par d'autres hommes.
Quatre femmes nous ont renseigné qu'elles avaient été, soit directement témoins d'un viol, soit entendu les cris d'une femme, venant d'une tente assez proche, qui était violée par des hommes armés, des membres de l'administration du camp ou d'autres habitants du camp.
Dana, une jeune femme de 20 ans, nous a informé qu'elle avait subi plusieurs tentatives de viol et des pressions incessantes pour avoir des relations sexuelles avec des membres des forces de sécurité dans le camp où elle se trouve.
« Pour eux je suis comme un combattant de l’EI, alors ils veulent me violer et me renvoyer. Ils veulent montrer à tout le monde ce qu'ils peuvent me faire : me voler mon honneur. Je ne me sens pas bien sous la tente. Je veux simplement une porte que je puisse verrouiller et des murs autour de moi […] Toutes les nuits je me dis "C'est ce soir que je vais mourir".
Dana, jeune iraquienne de 20 ans

NULLE PART OÙ ALLER
Dans plusieurs secteurs, les autorités locales et tribales ont décidé d'empêcher le retour des femmes et des enfants soupçonnés d'avoir des liens avec l’EI. Ils se retrouvent donc cantonnés dans des camps de personnes déplacées.
Les femmes qui ont réussi à rentrer chez elles ont subi une expulsion forcée, des vols, des menaces et des violences. Dans certains cas, le mot « Daeshi » (l’EI en arabe) a été inscrit sur leur maison ou elles ont été tout simplement détruites.
La situation de ces femmes va fort probablement s’empirer, car il est prévu une forte diminution du financement international de la crise humanitaire en Irak.
En outre, en vue des élections législatives du mois de mai, le gouvernement cherche à fermer les camps. Ainsi, les personnes déplacées sont poussées à quitter les camps où elles vivent.
EMPÊCHER LA SPIRALE DE HAINE
Les autorités irakiennes doivent veiller à ce que les familles vivant dans ces camps et soupçonnées d'avoir des liens avec l’EI aient un accès égal avec le reste de la population à l'aide humanitaire, aux soins de santé et aux documents d'état civil.
Elles doivent être autorisées à retourner chez elles, et pouvoir le faire sans avoir à craindre des intimidations, une arrestation ou des attaques.
Les autorités doivent aussi mettre fin immédiatement à la pratique systématique et généralisée des disparitions forcées touchant des hommes et des garçons soupçonnés d'avoir des liens avec l’EI.
Pour mettre fin au cycle infernal de la marginalisation et des violences intercommunautaires qui ravagent l'Irak depuis plusieurs décennies, le gouvernement irakien et la communauté internationale doivent s'engager à protéger les droits de tous les Irakiens, sans discrimination.

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